Dans le Monde du 1er avril, paraît un article intitulé "La Droite populaire est devenue l'une des composantes les plus actives de l'UMP" et je referme dans le même temps, le dernier ouvrage de Stefan Zweig, rédigé un an avant son suicide, "Le Monde d'hier".
Bien sûr, des sommes ont été écrites sur la montée de l'idéologie nationale-socialiste et fasciste et sur ses terribles conséquences avant, pendant et après la Seconde Guerre Mondiale. Toutefois, ces mémoires de Stefan Zweig qui n'ont pas la prétention de se placer sur le terrain de l'essai politique ou historique, revêtent un extraordinaire intérêt. En effet, outre que même au travers d'une traduction, la prose de Zweig est merveilleuse de fluidité et de limpidité, ces souvenirs constituent le témoignage nostalgique, poignant et désespéré d'un homme qui se voulait européen et cosmopolite. Détaché du monde de la politique et pourtant spectateur "engagé", doué d'un regard exacerbé, non pas visionnaire mais d'une grande lucidité, le témoignage de Zweig est d'autant plus remarquable et irremplaçable. C'est celui d'un homme seul, souvent en marge et parfois au cœur de la mêlée. C'est celui d'un individu qui avec toutes ses faiblesses mais aussi fermement ancré dans ses convictions, admet qu'à hauteur d'homme on ne peut pas tout voir ou qu'on ne veut pas tout voir. C'est pourtant celui d'un "citoyen du monde" qui démontre qu'avec un peu de recul, de sensibilité et de raison, les œillères tombent vite et qu'à défaut de prévoir l'inimaginable, il n'est pas exclu d'en avoir le pressentiment.
Union pour un Mouvement Populaire, aujourd'hui Droite Populaire qui présente de manière "lissée" et "policée" les mêmes thèmes qu'une Nouvelle Droite Populaire créée en 2008 à la droite du Front National. Droite Populaire, dénomination qui a le mérite de la clarté et qui entend selon sa charte affirmer la devise "Nation, Patriotisme et République" "contre les tabous du "politiquement correct". Un "courant" qui brise donc les tabous mais dont l'intitulé a le fâcheux inconvénient d'en rappeler d'autres, ceux du Parti Populaire Français et du Rassemblement National Populaire de très sinistre mémoire.
Dès lors, et c'est bien regrettable, que les termes "patrie" et "populaire" apparaissent, on est en droit donc de s'interroger sur leur exploitation. Gageons que les parlementaires qui ont fait émerger ce courant sont de sincères républicains puisqu'ils font mention de cette République qui nous est chère à tous. Citoyens honnêtes, représentants du peuple dans une démocratie puissante et respectée, munie de tous les mécanismes nécessaires au respect de ses règles de fonctionnement, les fondateurs de la Droite Populaire sont au-dessus de tout soupçon.
Il n'empêche qu'à la lecture de Stefan Zweig et c'est tout le prix de son témoignage, les processus qui conduisent une démocratie ou du moins une société politiquement tempérée vers des glissements furtifs et progressifs vers de plus sombres horizons, doivent être observés avec vigilance.
Alors bien sûr, la Droite Populaire n'a rien à voir quant à l'origine socio- politique de ses initiateurs avec celle des mouvements "populaires" d'avant-guerre, bien sûr aucun Hitler ou Mussolini n'est discernable actuellement dans une Europe en paix "intérieure" depuis plus de soixante ans, cependant, il semble bien que dans le "Monde d'hier" la montée des "extrémismes" n'ait pas toujours été mesurée comme elle aurait dû l'être.
La Nation, le patriotisme et la République ne sont la propriété de personne, d'aucun mouvement, leur propriété est collective. Les règles de copropriété doivent faire l'objet du plus large consensus démocratique, tout ce qui divise inutilement, tout ce qui peut procurer un sentiment d'injustice doit en être banni.
La démocratie ce n'est pas forcément le laxisme, le laisser aller qui peut d'ailleurs concerner l'ensemble des classes sociales, des plus élevées, de ce qu'il est encore convenu de nommer les "élites", jusqu'aux classes dites "dangereuses". L'autoritarisme que semble prôner actuellement une certaine droite n'est-il pas finalement le cache-misère d'un manque de volonté, d'une absence de fermeté, d'une incapacité à maintenir une "ligne" et à s'y tenir quitte à admettre ses erreurs et à faire machine arrière en cas de besoin. Cette impuissance généralisée, cette démission des bonnes volontés, ce fatalisme destructeur se camouflent sous des effets de manche, des coups de menton. Elles se justifient, aussi, par l'érection d'une société où l'établissement d'une multitude de "normes", dispense de toute véritable réflexion.
Notre démocratie repose sur la loi de plus grand nombre, notion qui a toujours donné de l'urticaire à des conservateurs pour qui le retour au suffrage censitaire serait un moindre mal.
Il semble en fait que ces conservateurs aient progressé déjà dans cette voie. Les grandes orientations de ce pays, en effet, ne sont plus prises lors des élections républicaines mais plutôt sur la base d'une "opinion publique" et au gré des caprices de l'actualité. Mille "sondés" ont aujourd'hui plus de poids que celui d'électeurs qui, il est vrai, sont de moins en moins nombreux à se rendre aux urnes, mais à qui la faute.
Ce curieux mélange de démagogie et de populisme qu'est devenue notre démocratie, constitue-t-il le signe temporaire d'un pays en crise ou bien le signe précurseur d'évolutions plus profondes d'une société en recherche d'une nouvelle "identité" dont personne ne peut dire avec certitude quelle elle sera ?
Cette montée des extrêmes est d'autant plus préoccupante qu'elle n'a pas son corollaire à gauche. La France s'ennuierait-elle pour reprendre un célèbre article du Monde ? Si c'était le cas ou peut s'attendre à tout et peut-être même avant 2012 !
Pour finir, plaise aux électeurs de demain quand ils feront leur choix, si du moins ils en ont encore le désir, de ne pas oublier le "Monde d'hier".
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