Pour qui une jeune fille ou un jeune homme pourront-ils voter aux élections présidentielles de 2012 ?
I - Préambule
11 - Les mouvements
III - Les hommes
IV - Le choix de l'honnête homme
III - Les hommes
Bien obligé de constater qu'en passant en revue les diverses tendances idéologiques et politiques du paysage français, il est très souvent nécessaire de se reporter aux hommes. C'est naturel puisque ce sont les hommes qui les animent et les portent mais leur poids prend d'autant plus d'importance que les idées qu'ils défendent n'ont plus guère de substance.
Par ailleurs, comme il a déjà été noté en préambule, le mode de l'élection présidentielle prévu par la constitution révisée de 1958, personnalise la conquête du pouvoir et impose pour éclairer le jeune électeur de citer les hommes et les femmes susceptibles d'incarner ce pouvoir suprême.
Cette partie sera nécessairement plus brève car il est toujours délicat de décrire une personnalité voire de porter un jugement sur elle, l'honnête homme risquant vite de déraper sur des considérations très subjectives. Quelques considérations d'ordre psychologique émailleront cette revue mais avec donc circonspection afin d'éviter pour l'honnête homme toute tentation d'être par trop désagréable.
Par ailleurs, cette revue sera concentrée sur les candidats potentiels sérieux, ceux qui représentent un large groupe et non, seulement eux-mêmes ou une fraction voire une faction.
A droite :
Nicolas Sarkozy est un personnage étrange dont la cote est telle actuellement que même ses partisans se demandent s'il doit briguer un second mandat en 2012. Vraisemblablement, ils doivent être les seuls à se poser la question, le principal intéressé ayant sans doute déjà tranché par l'affirmative en son for intérieur.
Personnage étrange et attachant mais qui a sans doute déçu bon nombre de ses électeurs de 2007. Ils ont sincèrement cru élire plusieurs hommes en un : un "politique" encore jeune et dynamique du genre "homme pressé" ; une réincarnation de John Fitzgerald Kennedy, figure très populaire dans notre pays ; un immigré susceptible de comprendre le melting pot français ; enfin et essentiellement un général Bonaparte. Un stratège avec des capacités tactiques fondées sur la rapidité et le mouvement ; énergique et brisant les obstacles sans les contourner ; sachant réformer notre "société bloquée" tout en préservant un lointain vestige du legs "social" du gaullisme et de la Libération (le fameux "travailler plus pour gagner plus").
Beaucoup d'espoir donc investi dans cet homme et il est rare que l'on ne déçoive pas lorsque l'on est élu pour porter de telles espérances.
A la décharge de l'actuel Président de la République, il en fait d'ailleurs aujourd'hui l'un de ses principaux arguments de défense, il a été confronté très vite à une crise économique et financière qui aura plombé une grande partie de son quinquennat. Assez ironiquement, homme de droite au fil des ans, ce qui n'était peut-être pas son souhait initial (rêvait-il lui aussi d'incarner une autre voie, une troisième ?), il se sera écrasé bien que dans un autre contexte sur ce fameux "mur de l'argent" que dénonçait dans les années 20 le radical Edouard Herriot.
Toutefois, l'homme difficilement cernable au départ, assez imprévisible voire déroutant, capable de susciter la sympathie même s'il commet des erreurs qu'il assume sans complexe ("l'investiture" au Fouquet's), bascule progressivement dans une dérive par trop "droitière". Les français aiment les Rastignac parce qu'ils les envient, mais cet amour s'arrête dès lors qu'ils ont le sentiment qu'on les méprise (le fameux "casse-toi pauvre con).
Dérive droitière donc qui excède quelque peu l'autoritarisme attribué au courant bonapartiste surtout lorsque la vie de notre pays semble régie par les personnages du dramaturge Octave Mirbeau dans sa pièce "les affaires sont les affaires". Double dérive et double glissement vers des idées qui ne relèvent plus de la sphère "républicaine" traditionnelle mais plutôt de celle d'une extrême-droite aux relents vichystes et vers un monde des affaires relevant plutôt de la bourgeoisie "orléaniste".
Ce qui risque au final de peser lourd dans la balance pour le futur candidat de 2012, c'est l'actuel débat sur le "front républicain". A moins qu'il ne s'agisse d'une savante manœuvre et d'un partage des rôles destiné à dresser un écran de fumée, la divergence niée entre le Président et son Premier Ministre, François Fillon, quant au barrage à opposer au FN lors du second tout des élections cantonales, pourrait être révélatrice d'un sérieux clivage à droite. Ce clivage s'il devait se confirmer, pourrait alors sérieusement mettre à mal les travaux de René Rémond et entraîner une recomposition de la droite, une recomposition qui somme toute ne serait pas anormale. Vivre au 21ème siècle sur un modèle remontant à 1789 peut paraître à vrai dire quelque peu anachronique.
Les français ont cru vraisemblablement élire en 2007 le Général Bonaparte, à eux en 2012 si le cas se pose, de se demander s'ils n'ont pas élu un hybride du Général Boulanger et d'Isidore Lechat.
François Fillon, Dominique Galouzeau de Villepin et les autres…
Existe-t-il une alternative crédible à droite à la candidature de Nicolas Sarkozy ? Comme noté ci-dessus, l'année qui nous sépare des prochaines élections présidentielles apportera sans doute de nouveaux éclairages.
Les deux susnommés l'un dans le registre "républicain", s'il s'y maintenait, pourrait peut-être tenter sa chance, l'autre dans un registre retour aux racines gaullistes, le pourrait également. Le premier a-t-il pour le moment un capital sympathie à droite suffisant pour rassembler jusqu'au centre ? Le deuxième sans "appareil" pour le soutenir ne peut-il qu'être autre chose qu'un empêcheur de tourner en rond et une nuisance potentielle empêchant Nicolas Sarkozy d'atteindre le second tour ?
Concernant François Fillon, son actuelle discrétion voulue ou forcée constitue peut-être un avantage en ne l'exposant pas mais ce peut être également un inconvénient, trop d'effacement risquant de le marginaliser. Personnage quelque peu énigmatique, antithèse du Président dans son maintien réservé, distancié et pour ne pas dire glacial, l'observateur notera tout de même ce regard très noir où de temps à autre semblent discernables les éclairs qu'on imagine passer dans les yeux d'un Savonarole.
Quant aux autres, 2012 n'est pas la bonne échéance, ils devront attendre 2017 et encore…
Des candidatures au centre sont probables mais ce centre est trop atomisé pour ne constituer lui aussi qu'une capacité de nuisance susceptible d'enrayer la marche de l'actuel Président pour un second tour. Il en irait pour Jean-Louis Borloo, s'il se présentait, comme il en a été pour un Lecanuet ou un Bayrou, une candidature susceptible d'attirer la sympathie mais sans lendemain. Les hasards de la vie ont fait que ma trajectoire d'étudiant nanterrois a croisé celle, il y a un peu moins de quarante ans, de ce ministre. J'en conserve le souvenir d'un garçon d'un facile mais un peu réservé et qui devait sans doute être attachant. Quarante après une vie de grand bourgeois et de politicien, le sentiment est que l'homme n'a pas du beaucoup changer. Il y a en lui malgré tout une certaine fragilité qui ne permet pas de l'envisager en homme d'Etat impitoyable car il faut l'être sans doute pour accéder au niveau auquel peut-être il aspire.
La seule alternative crédible politiquement serait l'émergence de Dominique de Villepin représentant un gaullisme en voie de disparition (http://www.republiquesolidaire.fr/) mais justement pour cette raison, sa candidature qui serait sans doute légitime dans le débat actuel, ne pourra sans doute porter ses fruits. C'est un lieu commun que d'évoquer la flamboyance et très certainement la vive intelligence de cet homme politique mais une impression difficilement explicable domine que ce personnage sonne en définitive un peu creux.
Au final, un outsider pourrait se pointer, Alain Juppé, mais il est trop tôt pour le dire, son retour aux affaires est trop récent pour en tirer des enseignements utiles. Incontestablement il a la posture de l'homme d'Etat, il en a sans doute l'envergure mais pourrait-il manifester envers l'électeur cette capacité d'empathie qu'il attend généralement d'un Président, cela n'est pas sûr.
A gauche :
Correspondant à la grande confusion des courants, sous-courants, tendances et chapelles qui caractérise depuis toujours le Parti Socialiste, une pléiade de candidates et candidats se bousculent au moins dans un premier temps au portillon des fameuses "primaires".
Comme pour la droite, resteront en lice trois ou quatre compétiteurs "sérieux". Pour ne pas les nommer, dans l'ordre alphabétique : Martine Aubry, François Hollande, Ségolène Royal et Dominique Strauss-Kahn.
Hormis les inimitiés accumulées au fil du temps et leur caractère, il est légitime de se demander quels pourront être les critères qui permettront à l'électeur des "primaires" de les différencier et de faire un choix.
Aucun d'entre eux ne représente autre chose qu'une social-démocratie bon teint avec peut-être quelques élans chez certains d'entre eux, plus humanistes dans la veine de Jaurès. L'aile gauche du parti si tant est qu'il en existe encore une ne sera sans doute pas représentée, il faudra vraisemblablement et paradoxalement le rechercher en-dehors de cette formation avec Jean-Luc Mélenchon et son Parti de Gauche, .allié à d'autres.
C'est donc essentiellement en fonction de ses affinités et du poids nécessaire qu'il attribuera au candidat socialiste pour faire face au candidat de droite lors des "vraies" élections, que l'honnête homme se déterminera. Pour les "primaires", le mode d'élection peut introduire un élément d'incertitude, le choix des militants pouvant en théorie être remis en question par les supposés participants à 1 €.
Ségolène Royal a trop d'ennemis à l'intérieur de son propre mouvement, un appareil qui ne le soutiendra pas, comme en 2007, et une image à l'extérieur trop abîmée pour prétendre représenter à nouveau un idéal de gauche problématique et pour lequel on ne voit plus trop bien ce qu'elle pourrait lui apporter. Un souffle d'air frais l'avait propulsé en 2007 face à des éléphants ringards, le souffle est retombé, les ailes de Ségolène Royal lui ont été rognées et n'est pas François Mitterrand qui veut. Il ne suffit malheureusement pas de se croire une destinée nationale pour qu'elle se réalise.
François Hollande a perdu du poids mais toute révérence gardée, il ne l'a pas perdu que physiquement. Sa gestion au moins aussi désastreuse du PS que celle de Lionel Jospin en son temps, l'a quelque peu décrédibilisé. Sans contenu programmatique original et pour cause puisque son parti n'en a pas, l'homme peut mettre en avant un profil d'humaniste un peu comme sa devancière Ségolène Royal, mais sans charisme et sans souffle. Il aurait sans doute effectué une carrière honorable à l'époque de ce qu'on appelait les "radicaux-cassoulet" sous la Troisième République mais plus aujourd'hui. François Hollande est certainement l'un des protagonistes les plus sympathiques du combat politique actuel mais il ne donne pas le sentiment de rechercher véritablement un destin national, d'autres que lui qui pourtant avaient des arguments plus probants à faire valoir, ont raté aussi et toujours le coche.
Martine Aubry est en bonne position comme dirigeante du PS pour se présenter au moins aux "primaires", elle n'a jamais joué de sa féminité comme a pu le faire Ségolène Royal, néanmoins elle est une femme et on peut craindre que la société française ne soit pas encore prête à porter une femme à la magistrature suprême. Constat déplorable et injuste mais que l'honnête homme réaliste se doit de dresser. Il se trompe peut-être mais s'il est une femme aujourd'hui qui pourrait y prétendre on ne la trouvera pas au sein du Parti Socialiste.
Arrivée à la tête du parti de son parti dans des conditions contestées sinon contestables, Martine Aubry tient les rênes d'une main plus ou moins ferme mais n'a apporté aucune valeur ajoutée en termes de contenu et d'idéologie mais le peut-elle. Certes, elle occupe le terrain avec un discours incantatoire sur les valeurs mais en l'absence de tout charisme et sans aucun talent oratoire, elle a peine à les porter, la conviction manque cruellement. De plus et pour finir, elle n'a pas réussi à imposer un calendrier rationnel pour la désignation du candidat socialiste à la présidentielle. Trop occupée par ses propres ambitions personnelles et fragilisée par l'absence-présence du dernier des compétiteurs mais pas le moins important, elle est sans doute sincèrement soucieuse de ne pas rester dans l'histoire comme celle qui aura faire perdre à son mouvement, une élection pour le coup imperdable au contraire de celle de 2007. L'honnête homme pense que cette honnête femme n'a pas l'envergure nécessaire face aux enjeux actuels et qu'elle est dépassée. Reconnaissons au moins à François Hollande le mérite à l'époque, d'avoir fait passer assez clairement son intérêt personnel après celui du parti dont il était en charge.
Dominique Strauss-Kahn tel un gros chat patelin, ronronnait récemment dans un reportage de canal + cité plus haut, pur morceau de propagande à la gloire de l'intéressé.
Entre Raminagrobis et le Chat du Cheshire, le directeur du FMI a, de son ton très docte pour ne pas dire parfois légèrement pontifiant et pédant d'économiste universitaire, bien voulu reconnaître qu'il pouvait se tromper parfois. Délicieux moment où la manière nonchalante et désabusée de déclarer "l'erreur est humaine", envoyait au spectateur le signal inverse, pour susciter le célèbre "…Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois."
Une année pour réaliser ce reportage, un document rare car prétendant être un moment de journalisme presque d'investigation et se révélant au final une illustration réussie de la flagornerie la plus parfaite, il démontre au moins le poids du personnage. Personne ne pourra croire que diffusée dans le contexte actuel, il s'agissait d'une réflexion sur le rôle d'un directeur de FMI, tout était bien axé sur le "j'y vais ou j'y vais pas" à l'Elysée de DSK. Naturellement, il était évident qu'il ne pouvait pas donner de réponse eu égard à sa position. Le propos était donc bien d'occuper le terrain en ménageant un "insoutenable" suspens au travers d'un "reportage" méticuleusement tourné sur une année, savamment mis en scène par son épouse elle-même journalisme et dont la présence-absence dans ce document répond exactement à celle de son mari dans sa course à la Présidence. L'émission pousse même la précision jusqu'à nous détailler dans les coulisses d'un quelconque round de négociation, son équipe de communication.
Le PS déroule son tapis rouge en quelque sorte à son seul candidat crédible puisque le calendrier des "primaires" est conçu pour lui permettre de rentrer dans le vif du sujet au moment qui l'arrange (FMI oblige).
Quel est l'honnête homme, même le plus naïf qui, s'il est un "spectateur engagé", peut douter un seul instant de l'évident désir de Dominique Strauss-Kahn d'être candidat aux élections présidentielles de 2012 ?
Chattemite, énigmatique, l'animal est quoiqu'il en soit, c'est sa nature, toujours aux aguets et prêt à bondir lestement pour saisir sa proie.
Le tout est savoir si le "prince des chats" acceptera de participer aux "primaires". Il est vraisemblable qu'il le fera, qu'il jouera le jeu, il n'a pas rand chose à craindre tellement l'évidence de cette candidature s'impose.
Ses handicaps devraient en fait se révéler des avantages. Il a été un ministre "socialiste" qui a su fidèlement gérer la crise sans effrayer le patronat avec même ce petit parfum de scandale qui plaît tant aux affairistes. Il est directeur d'une puissante et prestigieuse institution internationale qui ne jouit pas toujours d'une bonne réputation mais qu'importe pour une élection nationale dès lors que notre pays ne se retrouverait pas dans la position d'avoir à y recourir. Il est économiste et universitaire, et même si la science économique a été récemment mise à l'épreuve cruelle de la crise, pouvant dire avec aplomb tout et son contraire en trois mois de temps, on sait que les "diafoirus" s'en sortent toujours et que l'aura que leur confère leur "peau d'âne" les conforte en définitive. DSK n'est pas socialiste, DSK n'est pas de gauche, mais qui s'en soucie encore dans un PS qui depuis longtemps aurait du se rebaptiser PSD (Parti Social-Démocrate). Certes, parmi les militants, il y aura quelques grincheux sectaires pour réveiller les mânes de Marceau Pivert mais pour la plupart ils ont déjà rejoint le Parti de Gauche. Le Social-Démocrate, DSK, sera le représentant sans complexe d'une social-démocratie au discours moderne et technocratique bien à même de gagner un électorat modéré échaudé par les dérives droitières, compensant largement la perte des nostalgiques de l'anticapitalisme. DSK serait, propos à peine déguisés de la droite, un de ces juifs cosmopolites bien éloigné de notre terroir, sillonnant la planète dans le droit fil des "Protocoles des Sages de Sion" mais dans une mondialisation avancée où la Finance tient lieu de guide moral, ne serait-ce pas plutôt un formidable atout que d'avoir ce "cosmopolite" au lieu de ces politiciens franco-français balbutiant ridiculement quelques mots d'anglais avec un atroce accent. DSK est un jet-setteur, un charmeur, un cavaleur, le parfait pendant "gauche caviar" de Nicolas Sarkozy, incarnation de la "droite bling-bling", mais tout le monde sait bien qu'une bonne partie de l'électorat moyen se réfère plus a la presse "people" qu'au "Capital" de Marx, dès lors là encore en termes de glamour (merci Clinton), ses concurrents de quelque bord qu'ils soient font et feront bien pâle figure.
Bref, il n'y a pas photo comme l'on dit, qu'on l'apprécie ou qu'on le déteste, ce petit homme donne l'impression d'une masse solide et compacte que ni ses propres démons ni les caprices de la vie politique ne semblent pouvoir déstabiliser. Il l'a dit "Etre de gauche, "c'est dépasser le possible, mais pas promettre l'impossible". Social-démocrate, adepte au fond d'une Realpolitik à la mode française, prudent, Dominique Strauss-Kahn peut rassembler dans son camp et au-delà. Il y a fort à parier tout de même que sa définition de la "Gauche" en laissera quelques-uns sur leur faim. Il devra donc sans doute préciser un peu, le syndrome "Jospin" le guette. Il a derrière lui de grandes ombres, Jaurès, Blum, Mendès-France, Mitterrand avec leur "souffle", animé de certaines valeurs qui par définition relèvent forcément de l'utopie, animé par l'Histoire et leur propre histoire. Toutes choses égales par ailleurs, il ne devrait pas mépriser les débuts de campagne en 2007 de Royal, multipliant les maladresses, les erreurs voire les outrances, ceux qui l'ont accompagnée ont senti en dépit de tout ce "souffle" parce qu'au fond c'était peut-être tout simplement le leur.
Le peuple de droite est animé par un besoin de pérennité, le peuple de gauche est animé par l'espoir de lendemains qui chantent. L'utopie est indéniablement de gauche, celui qui veut gouverner la France doit dans un très difficile équilibre, peut-être d'ailleurs impossible à atteindre, tenter de concilier ces deux exigences. S'il n'y parvient pas il doit au moins essayer.
Le peuple français est un peuple étrange, excessif parfois mais aussi plein de bon sens, un vieux peuple sage mais capable de coups de sang, un peuple qui veut qu'on le guide mais aussi qu'on l'entende. On ne peut pas diriger ce pays comme le FMI, le candidat DSK devra donc sortir un peu de son bureau de comptable pour s'aérer les neurones au vent de l'Histoire avant de prendre son élan et de franchir le Rubicon.
Indéniablement pour le Parti Socialiste, Dominique Strauss-Kahn est le candidat incontournable. Les socialistes se tireront-ils une nouvelle fois une balle dans le pied ? Seuls les mois qui viennent pourront apporter au Courrier International, la réponse à sa question.
La Gauche ne se résume cependant pas au seul Parti socialiste, et même le Parti Socialiste peut-il encore légitimement revendiquer cette appartenance et même est-il opportun pour lui aujourd'hui de la revendiquer ?
D'autres que lui estiment être plus représentatifs de cette Gauche, il est vrai que si Laurent Fabius et consorts sont censés incarner l'aile "révolutionnaire" du PS, l'électeur a de quoi être perplexe voire se tordre de rire de peur d'avoir à en pleurer.
Jean-Luc Mélenchon créateur du Parti de Gauche (http://www.lepartidegauche.fr/), a manifestement endossé le costume du défunt Georges Marchais jusqu'à la caricature. Mais là encore il ne suffit pas de vouloir il faut pouvoir. Monsieur Marchais, Jojo pour les gens de ma génération avait une autre "épaisseur" que Monsieur Mélenchon, né sans doute trop tard dans un monde trop vieux, aussi bien en termes de personnalité que de nombre de bulletins. 6 ou 7% c'est bien grâce notamment au renfort du groupuscule communiste et de quelques débandés occasionnels écologistes et NPA au sein d'un improbable Front de Gauche mais les 15% du PC en 1981 cela fait autrement plus sérieux. Cet espèce de poujadiste de gauche peut-il se rêver un véritable destin national, sans doute pas car il n'a pas l'étoffe des "Grands Hommes" mais du moins il pourra vraisemblablement monnayer au bon moment sa capacité de nuisance. L'honnête homme n'est pas un être agressif par définition cela ne doit pas l'empêcher d'être lucide. Passé l'effet de mode et passés les effets de manches, le seul objectif de ce Parti est de consoler l'ego de son créateur, aucun contenu sérieux ne sous-tendant cet assemblage hétéroclite. C'est d'ailleurs fort dommage car indéniablement cette tradition "révolutionnaire" fait cruellement défaut aujourd'hui.
Olivier Besancenot prétend la maintenir. Le NPA malheureusement comme déjà noté est totalement archaïque quant aux concepts utilisés et son discours est obsolète face aux nouveaux enjeux d'une société qui le dépasse et le laisse planté dans son fantasme de Grand Soir. Il est quasi certain que le sympathique facteur new look aura du mal à sonner plus de deux fois.
Eva Joly désignée comme candidate au nom d'Europe Ecologie – Les Verts, ne bénéficie plus de cet élan porteur de 2009. Cet élan qui fit prendre à beaucoup d'électeurs sincères et incurablement naïfs, des vessies pour des lanternes. Il y a eu tromperie sur la marchandise et l'amertume de ceux qui se sont fait piéger n'a d'égale que leur enthousiasme de l'époque qui semble déjà bien lointaine (extraordinaire accélération des phénomènes politiques vivant au même rythme que les collections de haute-couture et de prêt à porter). Madame Joly arrive au moment où la baudruche se dégonfle. Daniel Cohn-Bendit ne souffle en effet plus dans le ballon. Il se retire et préfère préparer ses futurs commentaires pour le football. Gageons que ce n'est pas la question de sa nationalité qu'il aurait pu résoudre depuis longtemps qui le dissuade de s'investir dans ce mouvement qu'il a créé mais son dégoût de la vie politique française et aussi son incapacité à juguler les fantasques et ineptes Verts. Homme libre et indépendant, l'honnête homme regrettera en tout cas cette lueur de malice qui passait dans les yeux du personnage, celle qui devait animer fugitivement ceux de Rabelais et Montaigne. Madame Joly ne semble pas avoir la cage thoracique suffisante pour développer le souffle nécessaire au maintien de son "parti", il est vrai qu'autour d'elle ces charmants et inconséquents Verts s'appliquent à lui crever sa baudruche. Rajoutons à cela l'éternel indécis Nicolas Hulot qui revient mettre son grain de sel et semant la confusion. Enfin, Madame Joly était peut-être terrifiante dans son cabinet de juge d'instruction, malheureusement elle semble avoir abandonné sa personnalité au vestiaire. A chacun des ses apparitions, l'honnête homme a le sentiment qu'elle va sortir son tricot et raconter une belle histoire pour petits enfants.
Où est l'écologie politique que laissait entrevoir Dany le Rouge, où est cette troisième voie tant espérée, encore une impasse ? Un contenu programmatique désormais illisible et inaudible laisse encore une fois la place au fonds de commerce des Verts, l'antinucléaire, tragiquement mis en lumière par la tragédie japonaise et utilisée de manière scandaleuse et honteuse par une Cécile Duflot, VRP multicartes de l'Esse, l'éternel moustachu Mamère et le spectre de Dominique Voynet, tous futur et ex artisans des défaites écologistes.
Ailleurs :
Ni à droite ni bien entendu à gauche, une fleur est entrain d'éclore sur ce champ de ruines, une fleur carnivore.
Marine Le Pen a incontestablement la personnalité pour créer en 2012 le buzz, comme on dit aujourd'hui. Héritière d'un mouvement que la Gauche a peut-être contribué à remettre en selle mais que la Droite depuis dix ans a, plus que toute autre tendance, soutenu en reprenant et en banalisant les thèmes du FN.
Comme l'a dit à maintes reprises, son leader historique, la copie ne vaut jamais l'original. Véritablement c'est là que l'on trouvera l'expression la plus éclatante de la Droite la plus bête du monde.
L'honnête homme est peut être naïf mais il pense qu'à droite aussi il y a des honnêtes hommes et par conséquent cataloguer à droite même à son extrême le FN, c'est en quelque sorte leur faire injure.
Un Front républicain s'est formé en 2002 mais dont l'effet de réciprocité est rejeté aujourd'hui par une partie de la Droite. Ce rejet constitue à n'en point douter une grave erreur politique et quelque part une forfaiture.
Le désespoir et l'exaspération engendrent la haine de soi et la haine des autres. Exploiter ce sentiment n'est pas étonnant pour les descendants de ceux qui collaborèrent sous Vichy, torturèrent au nom de la Patrie et déportèrent les juifs, mais cela est indigne d'un républicain. Dès lors qu'il le fait, il n'en est plus un et rejoint les escadrons de la mort, la mort de nos valeurs, rompant le consensus national issu de la Libération et annulant du même coup nos principes fondateurs de 1789.
Marine Le Pen dont l'inculture politique est patente et n'a pour tout bagage idéologique que les incantations de son père, a l'énergie nécessaire ainsi que le charisme pour s'affranchir de ces références et crée les siennes. Démagogue collant à l'actualité sans aucun des scrupules qui pourraient encore perturber le sommeil d'hommes de droite pris de doute, sans aucune des contraintes qui empêchent ceux qui nous gouvernent d'exprimer trop ouvertement leur adhésion au "frontisme", Marine Le Pen peut causer d'énormes dégâts.
Ne soyons pas déterministes mais jugeons tout de même le présent à la lumière du passé et songeons comment la droite et les conservateurs permirent au fascisme et au national-socialisme de s'emparer du pouvoir.
IV - Le choix de l'honnête homme
Cette analyse d'amateur permet d'abord à "l'honnête homme" que je voudrais être, de clarifier ses idées à un moment de la vie de notre pays qui offre une image de confusion. Dans les années 70, Michel Crozier nous décrivait limpidement notre "société bloquée", le constat amer est qu'elle le reste toujours. Ni la droite ni la gauche en quarante ans n'ont fait avancer d'un iota notre société dans la voie de la réforme. Aucune des mesures annoncées et parfois concrétisées par l'actuel gouvernement n'ont abordé en profondeur nos problèmes. Demi-mesures souvent avortées, incohérentes et partielles parce que prises dans la précipitation, partiales et injustes parce que toujours élaborées à partir de préjugés et de présupposés injustifiés et injustifiables, ces mesures sont conçues par des politiciens pour qui l'intérêt général est une donnée surannée et des technocrates pour qui la République n'est plus qu'un mécano que l'on peut monter et démonter au gré des modes et de leurs caprices.
La fameuse RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) qui prétend réviser et moderniser un Etat pour lequel une réforme est pourtant vitale, cumule ses deux tares. Elle nie d'abord la réalité historique de notre pays partant du postulat que le Service Public est source de tous les maux. Ensuite, elle aborde cette révision dans un esprit purement mécaniste typique d'une haute Fonction Publique dévoyée, corporatiste, docile et sans aucune capacité créative. A la botte du "politique" mais douée d'une telle force d'inertie que les rares politiques qui voudraient faire avancer une réforme sont immédiatement broyés par cette machine technocratique et bureaucratique.
Ni la droite ni la gauche en quarante années n'ont eu le courage d'aborder les problèmes de fond, trop occupées à leurs questions d'appareil, obsédées par "l'opinion publique", oubliant tout simplement celle du "citoyen". En prenant les français pour de parfaits imbéciles incapables de comprendre une explication franche mais peut-être douloureuse, elles ont préféré les bercer d'illusions et les ont déresponsabilisés.
Mais bien plus grave et bien au-delà de "politiques" déconsidérés qu'elle rejette unanimement, la France connaît une nouvelle trahison de ses clercs, dans tous les domaines de la vie de notre société, matériellement, moralement, intellectuellement, c'est à une véritable faillite de nos élites et à leur esprit de démission que la Nation est confrontée.
En quatre années, nous aurons atteint un sommet dans cette trahison. Jamais un gouvernement n'aura à ce point contribué à l'éclatement de notre société, à la destruction systématique de tout esprit collectif, au reniement des valeurs humanistes, suscitant un repli individualiste et l'abandon de toue possibilité d'identification à un idéal commun et solidaire.
Tous les signaux annonciateurs et tous les symptômes d'une situation prérévolutionnaire sont là. Faute de rechercher les voies d'une réforme profonde de notre société et de notre mode de vie, c'est peut-être une de ces révolutions dont nous sommes coutumiers qui nous attend.
Alors dans ce contexte et dans cette extrême confusion, l'honnête homme qu'il soit jeune ou vieux, s'il veut malgré et en dépit de tout se manifester comme citoyen, qui devra-t-il choisir en 2012 et sur la base de quels critères ?
Il aura bien du mal et revenant aux fondamentaux, votera peut-être pour celle ou celui qui lui donnera le sentiment que le pain, la paix, la liberté et je rajouterai pour ma part la justice, sont sincèrement au cœur de ses préoccupations.
Pour finir, l'honnête homme gardera bien en tête au moment de déposer son bulletin dans l'urne, cette phrase de Jean Jaurès assassiné le 31 juillet 1914, "Le courage c'est de rechercher la vérité et de la dire, c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques."
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