mercredi 8 juin 2011

Mercredi 8 juin 2011 - Méditation

RAS aujourd'hui dans le RER A comme dans le B. Juste ce soir, un arrêt de 10 minutes en pleine voie avant l'interconnexion de Nanterre - Préfecture. Je n'ai pas compris la raison, car le conducteur, sans doute aussi fatigué que le naufragé, a fait seulement au bout de ce long arrêt et avant que la rame redémarre, une annonce inaudible d'une voix quasiment mourante, un chuchotement, un murmure. Panne ou tout simplement comme souvent, un train à quai bloqué devant en attente de la relève SNCF ? Mystère.
Aujourd'hui journée plutôt calme, halte à l'heure du déjeuner dans un petit square rue Froidevaux. Assis sur un banc, sous un ciel gris, j'ai regardé un groupe d'enfants qui s'amusaient dans l'aire de jeux.
Le naufragé du RER A quelque peu contemplatif a pris un coup de vieux partant à la dérive dans ses souvenirs. La grisaille des cieux s'accordait à celle qui envahissait progressivement son cœur.

                                                                                           Odilon Redon

Je voudrais bien avoir perdu le fil du temps
Qu'au fil des ans le temps se soit confondu
En un vaste embrouillamini de secondes, de minutes,
D'heures, de jours et de mois dans lequel il me
Soit impossible de retrouver jamais le nœud responsable
De cette catastrophe, car je sais que si par un grand
Malheur je me retrouvais le nez dessus je n'hésiterais
Pas à le défaire.

Dans cet amas de temps entrelacés je pourrais me
Maintenir comme une araignée triste et solitaire.
Une bien vieille aragne qui depuis bien longtemps ne
Saurait plus où va le fil qu'elle secrète avec
Persévérance. Une vieille araignée qui de temps à
Autre pour satisfaire sa faim amènerait un de ses petits
Paquets du plus loin de sa fine toile. Ainsi, en
Guise d'insectes mortellement endormis par le poison
J'irais à la pêche dans cette toile désordonnée et
J'y prendrais en vrac les souvenirs qui y sont accumulés.

Dans cette vaste toile d'un temps personnel à jamais
Bouleversé je pourrais à volonté ne retenir en moi
Que les instants les plus doux et les plus beaux,
J'oublierais certes tout le reste, le superflu.

Et moi vieille araignée je passerais à chacune de mes
Pattes velues et noires les anneaux du passé, ils y brilleraient
Même en l'absence de toute lumière, de leur seule force
Interne.

Et moi vieille araignée je me couronnerais de mes plus beaux
Rêves, de ceux où des villes de marbre blanc sont
Eternellement baignées par un océan rougi d'un soleil
Couchant.

Et moi vieille araignée de mes yeux immondes et ténébreux je
Pleurerais des larmes plus pures que les perles de la
Rosée matinale emprisonnées dans ma toile, et dans chacune
De ces larmes, un visage aimé me sourirait et il resterait
Tel quel dans mes rets auprès de moi jusqu'à ce que
Ma toile s'effiloche au gré du dernier vent et que mon
Vieux corps noir et fripé, vidé de toute substance, s'envole à
A ce vent comme une graine morte, ses souvenirs et ses rêves se
Dissolvant aussi doucement.

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