lundi 30 mai 2011

Lundi 30 mai 2011 - Fuck America

RAS dans le RER A. Décidément, je sens que le naufragé du RER A va payer à un moment ou à un autre, ces quelques journées où, du moins pour moi, les rames sont à l'heure, les trajets sans retards et sans incidents ou accidents. Tout cela n'est pas normal...
Le lecteur éclectique et boulimique que je suis, met donc à profit ce relatif calme vécu généralement assis pour rattraper son déficit de lecture.
Certes, les deux livres dont je vais parler ne figureront pas dans le "libellé" "dernier livre recommandé" parce qu'ils ne sont sans doute pas les œuvres les plus abouties de leur auteur, toutefois, ils méritent tout de même le détour.
Ils ont pour point commun de se dérouler tous les deux aux États-Unis, tous deux jugent sans trop d'indulgence ce pays bien que dans des styles et des registres différents.
 Le premier de ces ouvrages s'intitule "Fuck America" et a été écrit par Edgar Hilsenrath, juif allemand, un temps émigré aux États-unis pour revenir en Allemagne définitivement. J'ai découvert cet auteur au travers d'un de ses romans les plus connus "le nazi et le barbier", recommandé en son temps sur ce blog. Bien qu'abordant finalement plus en profondeur la Shoah dans ce dernier, le style en était d'une ironie mordante avec un éclairage original, évitant les écueils tant signalés par Charlotte Lacoste dans sa thèse "Séductions du bourreau".
"Fuck america" dont les toutes dernières pages sont néanmoins admirables, aborde la survie d'un émigré juif réchappé du nazisme aux States dans les années 50 avec beaucoup moins d'ironie et beaucoup plus d'amertume. Description crue assez sinistre, sans concession du New-York crasseux des pauvres et des laissés pour compte, il est essentiellement le portait d'un homme pas suffisamment désespéré (et pourtant...) pour se couler dans le moule d'un "american way of life" culturellement trop éloigné de son univers détraqué.
En cela il fait preuve d'une certaine originalité. Juif allemand fuyant l'Allemagne nazie, se retrouvant dans un ghetto roumain, pour poursuivre sa trajectoire d'errant par la Palestine, les États-Unis et la France, il revient finalement à son point de départ, le besoin d'un retour à ses racines et à sa langue primant sur tout le reste.
Le second de ces ouvrages c'est le dernier roman de John Irving "Dernière nuit à Twisted River". J'aime beaucoup cet écrivain, la littérature américaine  produit en nombre impressionnant  ces merveilleux conteurs d'histoires dans des genres tout à fait différents (Irving, Auster, Roth et tellement d'autres) au contraire de la notre, malheureusement adepte de la branlette intellectuelle et d'un ressassement nombriliste permanent.
Donc, "Dernière nuit à Twisted River" n'est sans doute pas le chef d’œuvre de son auteur, ayant à peu près tout lu de lui. Néanmoins, c'est une histoire attachante qui vous emporte rapidement et facilement comme la rivière qui lui donne son nom.  Avec Irving, on a toujours l'impression qu'il va trop loin dans ses intrigues alors que tous les jours nous apportent la preuve que la réalité dépassera toujours la fiction. Des personnages attachants qui sont la proie d'une terreur récurrente dans tous les livres de cet écrivain, tournant autour de la perte presque fatale des êtres chers et notamment des enfants. Fait nouveau chez Irving, tout de même, une critique certes "policée" mais plus virulente que d'habitude de son pays, de ses mœurs,  des ses obsessions. Très et essentiellement américain, Irving ne perd pas le sens commun et semble avoir la nostalgie d'une Amérique simple, sincère et fraternelle disparue au profit d'une Amérique de fanatiques où la violence n'est plus à "hauteur" d'homme.


Deux très bons romans, deux histoires qui racontent plus que la simple somme des mots qui les composent.
Ouf ! Tant que de tels livres existeront, le naufragé du RER A pourra s'évader très loin du monde souterrain même si c'est pour explorer les souterrains de l'âme humaine et tout cela loin, très loin de notre littérature francophone de supermarché style Lévy ou Nothomb, aussi attractive que la publicité des paquets de lessive qui les côtoient dans les rayons de ces grandes surfaces.

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