jeudi 9 juin 2011

Jeudi 9 juin 2011 - Les naufragés de l'opéra

RAS dans le RER A mais ce matin le naufragé du RER A, a en fait pris le train SNCF. Ce soir rien non plus à signaler de spécial. Il est vrai que le naufragé est rentré un peu plus tard après une nouvelle courte pause musicale.
Courte mais de qualité. Ce soir à l'Opéra-Comique, une pièce musicale et théâtrale (œuvre radiophonique) de Luciano Berio, A-Ronne II. Pièce vocale pour cinq acteurs datant de 1974.
Bijou de cinquante-cinq minutes qui passe trop vite.
Gloire à l'Italie pour avoir engendré un tel compositeur. A l'opposé exact de la musique cérébrale et aride d'un Boulez ou d'un Stockhausen, Berio représente la générosité, la finesse, l'humour, l'humanisme du peuple dont il est issu.
Cela commence par des mots, des bribes de mots, cela se poursuit par des onomatopées, des cris et des chuchotements et c'est en fait de la musique, celle des mots, drôle, émouvante, étonnante, vivante. Rien de surprenant pour qui connaît un peu l’œuvre de ce musicien d'exception.
Hommage aux madrigaux de la Renaissance italienne, Monteverdi et Gesualdo comme des résurgences d'un passé réinventé, la même chose que dans sa Sinfonia avec Bach, Malher et Ravel.
Pas beaucoup de monde, pas mal d'invités dont nous étions. Il devait apparemment y avoir beaucoup de  naufragés de la musique et de l'opéra ce soir, des gens qui semblaient se demander ce qu'ils étaient venus faire là. Lorsque la représentation fut terminée, l'éclairage diminuant peu à peu pour faire le noir, il y eut des applaudissements nourris de la part d'une petite partie du public, la plus "éclairée" (allons léger jeu de mots) et puis il y avait un certain nombre de spectateurs partis à la dérive dès le début et finissant totalement naufragés, anéantis et dépassés par quelque chose d'incompréhensible pour eux.
Tout cela se décryptait dans leur attitude, car complètement anesthésiés et déroutés, ces spectateurs restaient étrangement silencieux sans applaudir et nous faisant grâce, une fois n'est pas coutume, des commentaires imbéciles généralement émis par ceux dont les goûts musicaux sont restés bloqués au stade pré-romantique comme si l'histoire de la peinture s'était arrêtée à Théodore Chassériau.
C'est fou comme en toute chose, le conformisme peut régner, il ne s'agit pas d'avoir une "culture" mais seulement un peu de curiosité et d'ouverture d'esprit. Avoir envie de sortir des sentiers battus constitue sans doute pour certains un obstacle intellectuel insurmontable. Question d'éducation ou de génétique ...?

Quoiqu'il en soit, quel bonheur un peu sadique  pour le naufragé du RER A, de se sentir pour une fois non concerné par un naufrage et de regarder les autres y sombrer. Peut-être mon côté "obscur", celui d'Alceste !

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