mardi 21 juin 2011

Mardi 21 juin 2011 - "Le réseau de transports parisien est l'un des plus performants au monde"

 Lu dans l'édition électronique du 21 juin 2011 du Journal Le Monde, l'échange ci-dessous entre des lecteurs et Monsieur Daniel Canépa, Préfet de la Région Ile de France.
Cet échange qui donne son sous-titre au message d'aujourd'hui concerne le Grand Paris et excède quelque peu le seul domaine des transports parisiens, le traitement de ce problème des transports, comme je le notais ailleurs, étant étroitement lié à celui de l'aménagement du territoire et notamment à la problématique du logement. 
A le lecture de cet échange je demeure sceptique.
D'abord petite plaisanterie. C'est vrai il paraît que le métro londonien est nettement moins bien que le nôtre (en revanche il semble qu'un réseau de bus performant compense). Toutefois, connaissant un peu même de loin, la sphère que fréquente un Préfet de région, haut-fonctionnaire, je gage que M. Canépa n'a pas eu souvent l'occasion d'emprunter les transports en commun ou alors c'était il y a longtemps. Le mode habituel de transport d'un Préfet c'est la grosse berline noire aux vitres teintées avec chauffeur. Bien entendu, derrière ses vitres teintées le Préfet voit la ville en rose et le naufragé du RER A n'est qu'un citoyen de base assez mesquin dans ses propos petits, incapable, le nez dans la poussière, de ces visions admirables technocratiques qui permettent de se projeter dans l'avenir (le Grand Paris 2039 quand même !) oubliant la boue quotidienne.
Plus sérieux, le naufragé du RER A né en Ile de France et citoyen de la république ne peut être que méfiant devant cet étalage de bonne conscience et de suffisance. Depuis plus de quarante ans il entend parler d'aménagement du territoire. Rappelons-nous les grands discours tenus lors de la conception et de l'érection des "villes nouvelles" et voyons le résultat. Des logements certes il en faut mais quand le naufragé entend le Préfet évoquer une "ville-monde", il sait déjà que le peu qui avait été préservé de la pauvre région dont il est natif, sera définitivement parti en fumée en 2039. Désolé, Monsieur le Préfet, mais vous allez collaborer activement au renforcement du "désert français", malheur pour les franciliens, malheur pour le reste de la France, la province. Vive le jacobinisme ! Je suis sans doute passéiste, me dira-t-on,  mais notre Préfet de région a tout de même des références historiques étranges à une époque où l'on parle de développement durable.
Consternant au final tous ces discours, hallucinant cet État incapable d'imaginer ce développement durable dans la réalité et le concret et nous vendant pour tout potage que ces clips publicitaires depuis les années 50 en passant par ceux du Pasqua (et ses "pays"!) de la fin des années 80 début des années 90 pour finir par ceux du Grenelle de l'environnement. Merveilleux clips qui nous dressent périodiquement un avenir environnemental radieux pour la France, un avenir qui relève de la science-fiction, le naufragé du RER A pouvant constater chaque jour son "paysage" réel bien loin de toutes ces chimères médiatiques.
2039, à défaut d'être celle de "l'odyssée de l'espace", sera sans doute l'année où nous entrerons de plein pied dans les décors devenus réalités de l'admirable film de Ridley Scott, "blad runner".

"Brigitte : Pourquoi l'Etat que vous représentez a-t-il laissé les transports franciliens s'enliser par défaut d'investissement sur les vingt dernières années ?   

Daniel Canépa : Je rappelle que la responsabilité en matière de transports est une responsabilité partagée jusqu'en 2004, et que depuis, il s'agit d'une compétence du conseil régional, et non de l'Etat.
Les investissements en matière de transports sont extrêmement lourds et nécessitent une mobilisation de tous les acteurs. C'est ce qui a été fait dans le cadre du Grand Paris, puisque l'Etat va investir 20 milliards et demi pour la réalisation du nouveau métro, et contribuera à hauteur de plus d'un milliard au plan de mobilisation transports de la région. Il s'agit ainsi de rattraper le retard pris au cours des années précédentes, et d'anticiper le développement économique de la région d'Ile-de-France.
Il convient de noter que les difficultés rencontrées par les usagers aujourd'hui ne doivent pas faire oublier que le réseau de transports parisien est l'un des plus performants au monde.
Gilbert P :  L'immobilier en Ile-de-France prend entre 10 et 20 % par an. Le projet Grand Paris aura-t-il des conséquences sur l'offre de logements ? Et surtout quand ?
Daniel Canépa : La loi sur le Grand Paris a précisé que 70 000 nouveaux logements devraient être construits chaque année. Ce chiffre permettra de compenser le vieillissement et la disparition de 35 000 logements par an, et donc d'apporter 35 000 logements nouveaux, et contribuera ainsi à résorber progressivement l'insuffisance de logements offerts dans la région d'Ile-de-France.
Il s'agit d'un objectif plus ambitieux que celui retenu par le schéma directeur de la région d'Ile-de-France, qui avait arrêté 60 000 logements nouveaux. Un dialogue a été engagé avec les élus pour que les plans locaux d'habitat et les plans locaux d'urbanisme soient mis en compatibilité avec cette ambition, qui n'a d'autre objet que de répondre à l'attente de nombreux habitants.
L'application de la loi est bien sûr immédiate, mais les délais pour la montée en charge afin de passer de 42 000 logements par an à 70 000 logements devraient prendre de deux à trois ans, délai nécessaire pour adapter les documents d'urbanisme.
Jonny :  Quels sont les mécanismes prévus par la loi du Grand Paris pour faire face au contexte de marché tendu du logement (en plus des 70 000 logements/an) ?
Daniel Canépa : La première question appelle une réponse en matière de foncier. Il existe 220 km² de foncier disponible, soit le double de la superficie de Paris, pour accueillir de nouveaux logements. Il faut par conséquent mobiliser ce foncier à travers des établissements publics fonciers et par la mise à disposition de terrains qui appartiennent à des établissements publics d'Etat.
Tonio : Dans le contexte actuel tant budgétaire que du point de vue de nos ambitions environnementales, que pensez-vous de l'actuel projet de prolongement de l'A104 ?
Daniel Canépa : Le prolongement de l'A104 est un projet qui date de quarante ans. Jusqu'ici, il n'a pas pu être réalisé parce qu'il s'est heurté à des oppositions. Néanmoins, son utilité n'a jamais été remise en cause, car cette voie rapide permet de desservir toute la partie ouest de l'agglomération d'Ile-de-France
Le ministre, M. Perben, a arrêté un tracé à la suite d'un vaste débat public, et le ministre, M. Borloo, m'a confié le soin de rechercher les conditions dans lesquelles cette décision pouvait s'appliquer.
Un dialogue soutenu avec les maires concernés qui ont bien voulu le nourrir a permis de trouver les solutions pour répondre aux inquiétudes environnementales. Une confirmation du tracé devrait intervenir avant la fin du mois de juillet, car si tel n'était pas le cas, il serait nécessaire de refaire un nouveau débat public et de retarder d'autant la réalisation de cet équipement, indispensable si l'on veut développer un port à Achères et donner une chance au fret fluvial.
ARTHUR K : Etes-vous favorable au projet de la mairie de Paris d'aménager les berges de la Seine ou entendez-vous les arguments de Rachida Dati, qui s'inquiète de la disparition d'espace pour les automobiles ?
Daniel Canépa : L'aménagement des berges de la Seine est une mesure qui se rapproche d'initiatives qui ont été prises dans d'autres grandes villes de France et du monde : réconcilier les habitants avec leurs fleuves.
Cette politique ne doit pas être en contradiction avec d'autres politiques publiques telles que la prévention des inondations ou la bonne insertion dans un paysage classé patrimoine mondial.
En ce qui concerne les effets sur la circulation, ils seront effectivement réels et participeront à une série de mesures prises par la Mairie de Paris visant à limiter l'utilisation des transports individuels au profit des transports collectifs.
Jennie : Qu'est-ce que les contrats de développement territoriaux ? Comment vont-ils s'articuler avec les politiques existantes notamment en matière de logements et de rénovation urbaine ?
Daniel Canépa : Le contrat de développement territorial passé entre des communes volontaires et l'Etat aura trois objectifs majeurs : une ambition économique, le développement de l'habitat, et l'amélioration de la mobilité.
Bien entendu, les politiques de rénovation urbaine continueront à être appliquées, voire à être développées. Elles ne seront pas en contradiction avec le contrat de développement territorial.
Jennie :  Comment s'appliqueront les contrats de développement territoriaux dans la mesure où ils s'imposent à tous les autres documents d'urbanisme, schéma directeur compris ?
Daniel Canépa : La loi du Grand Paris a prévu en effet que le CDT signé par les communes responsables de l'urbanisme et l'Etat, qui fixe les règles en matière d'urbanisme, puisse déroger au plan local d'urbanisme et au Sdrif. Il convient de rappeler que le CDT fera l'objet d'une enquête publique et d'une évaluation environnementale.
Jonny : Le Grand Paris sera-t-il l'occasion de réfléchir au millefeuille des instruments des politiques publiques de l'Etat qu'est l'Ile de France afin de les rationaliser ?
Daniel Canépa : Le Grand Paris doit en effet veiller à tout moment à mettre en cohérence, sur le territoire, les différentes politiques publiques. Le CDT est un instrument qui permettra, en accord avec les communes et les départements de la région, de construire une unité de vue. Les établissements publics seront des instruments au service du projet élaboré en commun par le contrat de développement territorial.
Jean Neau : Comment fonctionne la préfecture de région ? Elle prend directement ses ordres de l'Elysée ?
Daniel Canépa : La préfecture de région est organisée de manière à mettre en application les politiques publiques arrêtées par le gouvernement et veiller à la légalité des décisions prises par les collectivités territoriales.
Le préfet représente l'Etat et sa neutralité, ainsi que le gouvernement, pour l'application des politiques. Il reçoit des instructions de chaque ministre qu'il représente territorialement et, bien entendu, du premier ministre.
Jean Bato :  Pour muscler les polices municipales, que pensez-vous de l'idée de l'UMP de créer une police territoriale ?
Daniel Canépa : Le préfet de région d'Ile-de-France n'a pas de compétences en matière de police, qui sont du ressort du préfet de police.
Pour ma part, l'intérêt des polices municipales, c'est la proximité avec les habitants, elles doivent travailler en parfaite intelligence avec la police nationale, qui, bien sûr, est une police territorialisée au niveau des villes et des départements.
Remi Nedelec : A l'heure où l'on parle de décentralisation et de déconcentration, le Grand Paris n'est-il pas une anomalie jacobine française ?
Daniel Canépa : Permettez-moi de vous dire en toute liberté que les Jacobins n'ont pas commis que des erreurs. A certains moments, la somme des intérêts de chacun ne converge pas pour atteindre l'intérêt général, et il devient nécessaire que l'Etat intervienne pour faciliter l'émergence de cet intérêt général.
Je pense que le dessein du Grand Paris ressort de cet intérêt général.
TOTO  : Vous qui avez été à Lille, quel parallèle pouvez-vous dresser entre ces deux agglomerations, comment Paris pourrait-il s'inspirer du tissu plus homogène et moins centralisé de Lille-Roubaix-Tourcoing ?
Daniel Canépa : Ce qui est intéressant dans votre question, c'est de rappeler que s'est construit le Grand Lille, associant non seulement les villes françaises, mais également les villes belges, autour d'une gouvernance et de l'élaboration de projets communs.
Pour le Grand Paris, l'accent est mis sur le projet, avant même d'envisager une gouvernance, car il y a urgence à traiter les problèmes de transports et de logement qui se posent dans des conditions plus graves encore qu'à Lille.
Geoffrey : Quelle est la participation financière des différentes parties engagées dans le projet? privé, région, ville, Etat ?
Daniel Canépa : Vous l'avez bien compris, le projet Grand Paris est complexe puisqu'il touchera toutes sortes de domaines : économie, logement, culture, aménagement, urbanisme, etc. Par conséquent, il y aura des apports financiers en fonction des responsabilités de chacun : privé, communes, départements, régions, Etat.
ALEX : Les villes périphériques telles qu'Evry, en banlieue sud, ou Sarcelles, en banlieue nord, auront-elles un minimum de pouvoir concernant l'avenir de leur territoire, ou les citoyens seront-ils dépourvus de toute démocratie et se verront-ils dicter leur loi du Grand Paris ?
Daniel Canépa : Le Grand Paris a apporté un outil extraordinaire en matière de transports et en matière économique au travers de la confortation ou de l'élaboration de clusters. En ce qui concerne les logements, l'urbanisme et l'aménagement des villes autour des futures gares, les communes conservent leurs compétences et arrêtent, en concertation avec l'Etat, dans le cadre d'un contrat, les projets qu'elles souhaitent mettre en œuvre.
De plus, ce contrat fait l'objet d'une enquête publique au cours de laquelle les habitants feront part de leur avis.
ALEX :  Le Grand Paris ne va-t-il pas accentuer les écarts (économique, démographique...) entre la région de la capitale et la province ?
Daniel Canépa : En 1947, Jean-François Gravier parlait de "Paris et le désert français". Aujourd'hui, les métropoles françaises autres que Paris ont une réalité et sont très vivantes. Le développement du Grand Paris se situe dans un cadre de concurrence avec les autres villes-monde, et le surcroît de croissance attendu par ce développement bénéficiera à la France, et donc à chacune de ses métropoles urbaines.
Crayons :  La Belgique déploie actuellement des trains photovoltaïques, d'autres agglomérations et villes européennes, des bus gaz propre. Le Grand Paris ne va-t-il pas accentuer encore plus le retard technologique et d'équipement de la France dans ce domaine ?
Daniel Canépa : Je ne pense pas que les investissements considérables en matière de transports collectifs sont de nature à accentuer un retard technologique de la France. C'est au contraire l'occasion – et les entreprises concernées l'ont bien compris – de faire preuve d'innovation technologique.
Au niveau de la construction, les capitaux privés vont être intéressés par des constructions à proximité des nouveaux moyens de transports, et l'Etat mobilisera des aides pour la construction de logements sociaux.
Le ministre du logement proposera des mesures pour accompagner l'action des maires bâtisseurs.
Athena : Le Grand Paris risque-t-il d'être mis entre parenthèses au moment de l'élection présidentielle ou sera-t-il au contraire un enjeu ?
Daniel Canépa : Aujourd'hui, le Grand Paris est une idée largement partagée quelles que soient les positions politiques, et nous sommes entrés dans une phase opérationnelle qui devrait permettre de poursuivre l'action, y compris pendant la période électorale.
C'est d'autant plus nécessaire que nous avons un délai relativement court pour élaborer et signer les contrats de développement territorial : dix-huit mois à compter de la publication du décret arrêtant le schéma de transports, qui devrait sortir en juillet.
Jean bato :  Jean-Paul Huchon est-il un bon partenaire ? Auriez-vous préféré travailler avec Valérie Pécresse ?
Daniel Canépa : Un préfet travaille avec les responsables élus par les électeurs.
Crayons  : NKM défendait un Grand Paris qui emprunterait les infrastructures routières saturées existantes, pourquoi le choix du souterrain ?
Daniel Canépa : Les deux démarches, l'une qui vise à réaliser un métro partiellement en souterrain, et l'autre qui souhaite utiliser une partie des infrastructures routières pour les réserver aux transports collectifs, coexistent parfaitement dans le projet de mobilisation des transports en Ile-de-France.
Sarah : Que pensez-vous de l'idée que le Grand Paris est une politique de néocorruption dont l'objet vise à utiliser des sommes faramineuses et des entreprises amies pour des projets dont l'utilité est contestée ?
Daniel Canépa : Je pense que les projets tels que l'amélioration des transports ou la construction de logements sont contestés par peu de personnes. Je rappelle aussi qu'il y a des règles en France, qui s'appellent marchés publics, appels d'offres, contrôles de légalité, qui concourent à faire de notre pays un pays de légalité.
Ginette : Que va changer le Grand Paris en matière d'emploi, et notamment d'accessibilité à l'emploi ?
Daniel Canépa : Le grand métro express a pour objectif de relier les grands bassins d'emploi d'aujourd'hui, et surtout de demain. Par ailleurs, toute la réflexion qui a conduit à l'élaboration du Grand Paris repose sur une volonté de faciliter le développement économique, et par conséquent l'emploi.
Ce développement économique s'appuiera sur la recherche, l'innovation et le transfert de technologies. Le secrétaire d'Etat, Christian Blanc, a affiché l'objectif ambitieux d'un million d'emplois supplémentaires à l'horizon 2030.
Tonio : votre réponse sur le Grand Paris est-elle compatible avec votre réponse sur l'A104 ?
Daniel Canépa : Au sein des discussions sur le CDT de la confluence Seine-Oise, les élus sont très attentifs à l'avenir du port d'Achères, qui doit être irrigué par voies ferroviaire et routière. Or, la voie routière sera l'A104.
Sympa : Quel sera votre rôle en matière de contrôle des procédures pour la réalisation du Grand Paris ?
Daniel Canépa : Bien entendu, mon rôle est un rôle d'animation, de rapprochement des acteurs, et de facilitateur pour que le Grand Paris avance, et avance le plus rapidement possible. Mais j'ai également un rôle de contrôle que toutes les procédures soient bien conformes aux règles légales, et j'aurai pour préoccupation de prévenir les difficultés plus que, bien sûr, de les régler a posteriori. Nous avons un chantier devant nous qui s'étalera sur vingt-cinq ans et qui sera plus important que les grands chantiers d'Haussmann et de Delouvrier. C'est dire l'ambition et l'espoir de ce projet."

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