mercredi 2 mars 2011

La dépressive

Hommes ou femmes, le naufragé rédacteur de ce blog lui-même, traversent des épisodes dépressifs. 
Cela fait partie de la vie.  Surmonter ces épisodes en fait partie aussi, mais si vous y parvenez c'est que justement vous "n'êtes" pas en dépression. Le blues du RER A, le cafard, un évènement triste, pénible voire dramatique, provoquent, lassitude, abattement, découragement. Toutefois, comme à la sortie du tunnel juste après Nanterre-Préfecture, vous remontez à un moment en plein jour et vous considérez votre existence à sa lumière. Si c'est de nuit, vous revoyez après l'obscurité du souterrain, les lueurs de la ville et parfois, les beaux jours, le scintillement des étoiles.
Tous ces gens qui vous entourent et souvent vous ennuient, soudain vous les regardez pour ce qu'ils sont, des compagnons de route et ce qui vous semblait une insupportable promiscuité devient une assemblée d'âmes humaines pas toujours très belles mais dont vous êtes partie prenante.
Notre dépressive, la vraie, celle qui illustre notre typologie, se sent irrémédiablement seule, retranchée du monde des gens vivants et normaux. Cachée derrière sa chevelure comme derrière un mur, elle pleure silencieusement, subissant la torture de ceux qui ne peuvent plus communiquer et qui ne sont plus compris même par leur proche entourage.
La dépressive n'est plus une naufragée, l'espoir est perdu, mais ce n'est pas non plus une épave ou une noyée car elle doit vivre dans ce courant des vivants avec le sentiment d'une double appartenance : celle qui nage au milieu d'eux mais celle également qui, sur la rive, solitaire et désemparée  les contemple dériver sans avoir le courage de les rejoindre.
La dépressive peut-être un jour se jettera sous une rame du RER A. Elle le fera de préférence à une heure de pointe, seule façon pour elle de signifier à ses contemporains son existence en y mettant un terme d'un geste désespéré.
Souhaitons-lui de ne pas revenir hanter les couloirs du métro, constatant l'inanité absolue de son geste face à l'indifférence agacée des voyageurs. Vivre l'enfer du RER de son vivant et le vivre éternellement au-delà de la mort, terrible épreuve. Que Charon lui soit secourable et qu'au bout du tunnel, il la fasse monter dans sa barque pour l'emmener au pays des morts loin, très loin du métropolitain.
Ô solitude.

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