samedi 16 avril 2011

La fonte des neiges


J'ai choisi d'illustrer cette rêverie du naufragé du RER A par un nouveau et superbe dessin d'un de nos membres, Jean-François, emprunté à son blog recommandé "un croquis  - une journée". J'espère encore une fois qu'il ne m'en voudra pas mais à juger son commentaire sur "l'horizon chimérique", je ne le pense pas. Ce dessin est intitulé "Au sud de Tallinn, fonte des neiges en forêt", il fait partie de ses dessins estoniens.

Estonie, Pays Balte, l'ambre, les chevaliers porte-glaives et les chevaliers teutoniques, les russes, les aventures de Tintin "Coke en stock et le pilote Piotr Szut dont le capitaine Haddock n'arrive jamais à prononcer le nom correctement et puis la neige et le froid...
Tout cela roule dans ma tête comme les billes de mon enfance, le naufragé du RER à ce beau nom d'Estonie, évocateur pour lui de toutes ces bribes de souvenirs, de lectures, songe décidément à aller un jour faire un tour dans ce pays.
"La fonte des neiges", bienheureuse contrée où apparemment les saisons existent encore, le printemps  y correspond encore à quelque chose. Ici, à Paris, le printemps n'a pas encore un mois d'existence, que nous allons entrer dans cette atmosphère orageuse et moite où les allergies du pollen vont se mêler déjà à celles générées par les alertes à l'ozone. 23° la semaine à venir, les couloirs du RER A et les rames vont devenir étouffants, l'âcre odeur de la sueur des voyageurs va les saisir à la gorge. Seul le souvenir fabriqué de toutes pièces par les réminiscences de l'âme d'enfant du naufragé, lui permettra dans cette ambiance surchauffée de déambuler parmi les poubelles, les tourniquets, les escalators, les tourbillons de poussière et de papiers soulevés par les systèmes d'aération, en s'imaginant parcourir la forêt balte.
Il oubliera alors cet environnement quotidien et c'est au milieu des bouleaux dégoulinant d'eau, des lacs et des mares encore à demi-gelés dans lesquels le froid soleil de printemps fera apparaître d'étranges reflets, qu'il marchera. Au détour d'un chemin, il entr'apercevra l'une de ces fées sylvestres aux cheveux couleur de blé qui cherchera à attirer le naufragé perdu dans les profondeurs des bois...
Et puis la rame arrivera... la vision se brouillera, à la place des arbres antiques brillant de la fonte de neiges, ce seront de gros et obscènes passagers qui s'épongeront le front, à la place des lacs et des mares, ce seront les flaques de vomi et les restes écrasés d'immondes hamburgers de chez Macdo qui recouvriront le sol, ce seront des fillettes imbéciles de retour de Disneyland aux déguisements vulgaires et aux oreilles de Mickey qui tiendront lieu de fées. Bref, la rame arrivera, ses portes s'ouvriront, celles d'un enfer ordinaire reléguant la  pure vision estonienne telle une chimère. 
Mais après tout même en Estonie, il doit arriver que la neige fondue perde sa virginité pour devenir bouillasse sale et noircie.
Le printemps c'est finalement au cœur qu'il faut le porter, qu'il soit de Paris ou de Tallinn, le printemps n'est pas une saison mais un état d'esprit, une musique, un espoir, un souffle léger, un sourire, un caprice,  un rayon doré de soleil couchant qui confère la beauté à l'objet ou au visage les plus communs.

Deezer :  Les quatre saisons "primavera" de Vivaldi, Fabio Biondi.


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