vendredi 24 juin 2011

Touristes





A Paris il y a toujours des touristes, dans les rues, dans les cafés et restaurants, dans les musées et aussi bien sûr dans les transports en commun.
A ce titre le naufragé du RER A est particulièrement gâté car sa ligne dessert le centre de la capitale et de Châtelet - Les Halles jusqu'à la Défense en passant naturellement par Charles de Gaulle - Étoile, nous pouvons observer une très forte concentration, à tel point que les annonces RATP de sécurité ou d'information sont, selon les thèmes, susurrées  en anglais, allemand, espagnol, italien et japonais.
Pour le naufragé autochtone cette typologie offre un passionnant et inépuisable sujet d'observation.
Toutefois, la fin du printemps et l'été à Paris constituent une période extrêmement propice à cette concentration et l'on peut dire que pour le francilien, on peut assimiler l'arrivée des beaux jours au retour concomitant  des hirondelles et des touristes.
Période propice car en plus du nombre, de la diversité, la chaleur et le ciel bleu favorisent un foisonnement vestimentaire tout à fait curieux. Touriste lui-même, le naufragé du RER A constate perplexe cette foule bigarrée et s'il rencontre naturellement lors de ses voyages à l'étranger, beaucoup de ses compatriotes sur lesquels il ne porte pas toujours un regard très indulgent, il ne lui semble pas trouver chez eux le même comportement vestimentaire que les étrangers qui sillonnent son univers métropolitain. Ce n'est pas du chauvinisme mais une observation personnelle qui n'engage que lui.
La "brochette de saison" qui figure en illustration donne un bon aperçu de ce que la naufragé veut dire.
Il convient d'abord de bien différencier deux types de touristes, le touriste - hirondelle qui comme ceux de l'illustration s'aligne en été sur les banquettes des stations du RER comme les hirondelles sur les lignes téléphoniques; le touriste "retour de Disneyland" qui lui n'est pas sujet aux migrations, tout au long de l'année, en effet, le naufragé peut le voir arpenter le métro et il fera l'objet d'une typologie spécifique.
Toute la diversité du monde se retrouve dans le RER et à ses abords, il est donc difficile de faire des généralités d'autant qu'outre les habitudes vestimentaires, les comportement  sont également différents et que comme pour les français, la composition sociale de ces populations "touristiques" emporte empêche également une généralisation abusive.
Néanmoins, il est possible de dresser la liste de quelques traits caractéristiques.
Les asiatiques et notamment les japonais se déplacent en troupeau, discrets et généralement silencieux. Ils donnent souvent le sentiment au naufragé autochtone, d'une colonie de déportés effarés en quête d'un asile introuvable.
Les américains lui donnent un sentiment contrasté. S'ils sont en bande, il a l'impression de tomber sur une section de GI's en goguette dans un Paris en pleine Libération. S'ils sont plus individualistes, ils ressemblent à des explorateurs en forêt amazonienne, le bob vissé sur la tête, le pantalon à carreaux et le polo manches courtes genre Lacoste, le regard légèrement méfiant et égaré.
Les allemands assez souvent se distinguent par d'informes tenues improbables tenant d'un mixte du pyjama et du survêtement de joggeur.
Les néerlandais ne peuvent pas s'exprimer autrement que d'une façon tonitruante de telle sorte que le naufragé a soudain l'impression de se retrouver dans une kermesse toute droit sortie d'un Bruegel.
Italiens et espagnols ont des comportements qui se rapprochent plus de celui des français avec parfois chez certains d'entre eux, une propension hallucinante à tenir des discours sans fin à un rythme effréné sans jamais avoir besoin de reprendre jamais leur souffle.
Les anglais se fondent en règle générale dans la masse, toutefois lorsqu'ils sont très jeunes leur dégaine les rend assez facilement repérables.
Enfin, trait commun à tous ces touristes mais en fait partagé par tous les touristes du monde, leur air fatigué et en été, assoiffé, après une journée de ripatonnage  forcené !
Arabes, indiens et bien d'autres complètent la collection mais quelque soit la langue, la couleur de peau, tous ces touristes ont une dernière caractéristique commune, une remarquable faculté de désorientation qui les rend incapables de trouver un chemin qu'il n'auraient aucun mal à repérer chez eux et une incapacité à comprendre le moindre mot de français, témoignage consternant de l'effacement progressif de notre langue dans le monde.

Sortie du RER B à Denfert-Rochereau avec pour le touriste deux pôles d'attractivité, les catacombes et le cimetière du Montparnasse. Le naufragé du RER A que je suis, momentanément à l'air libre doit avoir une bonne tête car certains jours, il a tendance à se prendre pour un guide ou un poteau indicateur. Rassemblant tant bien que mal ses lointains souvenirs de lycée en anglais et en espagnol, à grands renforts de gestes, il tente de remettre sur la bonne route des voyageurs égarés. Expliquer où sont les catacombes peut s'avérer relativement simple mais expliquer à un anglais aux allures d'Oscar Wilde, où se situe la tombe de Baudelaire est nettement plus compliqué.
Certains jours donc, le naufragé du RER A trouvant encore plus perdu que lui, se dit qu'il est aussi démuni que La Pérouse lors de ses rencontres avec les "sauvages" et se demande s'il est le "sauvage" ou l'explorateur. 


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