lundi 11 juillet 2011

Lundi 11 juillet 2011 - Une saison en enfer

Ce matin j'ai, contrairement à mon habitude de naufragé "honnête homme", joué courtoisement mais fermement des coudes pour trouver une place assise dans la rame du RER A. La fatigue s'accumule et l'envie de quelques jours de vacances s'accroît. Je me suis plongé dans un bouquin quelque peu hermétique mais c'est le sujet qui veut ça, "Nostradamus, une médecine des âmes à la renaissance" de Denis  Crouzet, professeur à l'Université de Paris IV-Sorbonne. Forte concentration pour goûter l'analyse ainsi que pour préserver ma bulle. A côté de moi, debout, une femme que j'ignore, respire fort et je la sens qui s'appuie contre mon bras. Cela dure deux stations, une place se libère en face de moi. Dieu Merci ! En face de moi. En effet, c'est une "grosse", bourrelets de graisse et sueur âcre. Moi qui hais les gros, je les collectionne décidément ! Vendredi dernier je m'en suis payé une mais malheureusement à côte de moi, cette fois. C'est à peine si je ne me suis pas retrouvé par terre, même si elle ne semblait pas "ogresse" sa masse se répandait malgré elle et les lois de la physique me repoussaient inéluctablement hors de ma place.
Ce soir, je n'ai même pas essayé de rejouer des coudes, la rame était bondée et c'était parfaitement inutile. Paris en cette soirée  s'enfermait dans des voiles de chaleur lourde. Supportable en extérieur mais fort pénible dans la rame du RER A saturée d'une chaleur amplifiée par la foule. Visages ruisselants et éventails improvisés. Stoïque dans mon complet veston avec cravate, j'ai subi avec résignation. A la défense, arrêt de 15 minutes environ avec annonce de la conductrice "malaise de voyageur, s'il y a un médecin parmi vous, prière de me contacter". Je ne suis pas médecin, j'ai donc attendu comme tout le monde en espérant ne pas faire moi aussi un malaise mais en me sentant néanmoins mal à l'aise, je me suis mis à dégouliner, le pantalon collant à la peau et la chemise s'imbibant progressivement.

Vraiment, pour moi l'été dans le RER A c'est une saison en enfer. Compressé, sans même l'envie d'ouvrir mon livre dans cet espace restreint, j'ai préféré encore une fois me concentrer et m'évader par la pensée, un peu comme le héros du film "Brazil" de Terry Gilliam. Torturé, il va s'évader en sombrant dans la folie, fuite radicale que j'aimerais tout de même bien éviter.
Mon évasion a consisté pour moi à me ressasser ces bribes  de vers absolument sublimes d'Arthur Rimbaud sur un soleil et une nature que j'espère pouvoir savourer bientôt dans un environnement moins infernal que celui du naufragé du RER A :

"Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie,
Verse l'amour brûlant à la terre ravie,
Et, quand on est couché sur la vallée, on sent
Que la terre est nubile et déborde de sang ;
Que son immense sein, soulevé par une âme,
Est d'amour comme Dieu, de chair comme la femme,
Et qu'il renferme, gros de sève et de rayons,
Le grand fourmillement de tous les embryons !

Et tout croît, et tout monte !
...
Le grand ciel est ouvert ! les mystères sont morts
Devant l'Homme, debout, qui croise ses bras forts
Dans l'immense splendeur de la riche nature !
Il chante... et le bois chante, et le fleuve murmure
Un chant plein de bonheur qui monte vers le jour !...
- C'est la Rédemption ! c'est l'amour ! c'est l'amour !..."


 - Une brise d'amour dans la nuit a passé,
Et, dans les bois sacrés, dans l'horreur des grands arbres,
Majestueusement debout, les sombres Marbres,
Les Dieux, au front desquels le Bouvreuil fait son nid,
- Les Dieux écoutent l'Homme et le Monde infini !"

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