Saint - Lazare. Pas de problème. Le matin : train affiché pour 8h27, départ à 8h29, arrivée à 9h00, 31 minutes de trajet; Le soir : train affiché pour 18h07, départ à 18h07, arrivée à 18h40, 33 minutes de trajet.
Eh oui ! Je suis infidèle à ce cher RER A avec qui j'ai noué ces relations d'amour/haine que les vieux couplent connaissent bien.
Avec la SNCF, ce sont plutôt des liens nostalgiques qui m'y attachent, ceux de ma jeunesse, d'un temps où le RER n'existait pas, d'un temps où l'ordre régnait, les trains arrivaient toujours à l'heure, où la femme ne travaillait pas et s'appliquait à mettre le couvert pour son époux harassé après une dure journée de labeur et lui servait sa soupe chaude !
Mais foin de la nostalgie ! Ce qui m'attache à la SNCF est aujourd'hui beaucoup plus prosaïque, le soir, le train se formant à Saint-Lazare, je suis toujours assuré d'être assis et le matin il est rare qu'une place ne se libère pas à l'arrêt Nanterre-Université, ce qui me permet de m'asseoir pour la moitié du trajet.
Il faut noter que le voyageur des transports en commun quel qu'ils soient, est amené à développer une stratégie qui diffère néanmoins selon la nature du mode de locomotion. Pratiquant par la force des choses, le "train", le RER, le métro parisien, le bus RATP ou banlieusard, plus rarement le tramway et une seule fois dans ma vie le funiculaire de Montmartre, je puis témoigner de cette nécessité d'adapter sa stratégie qui peut s'apparenter parfois à celle de "l'araignée".
Toutefois, dans l'élaboration de cette stratégie, demeure une constante, l'avantage certain que détient le voyageur doté d'une bonne capacité d'observation. Celui qui en plus peut se piquer de connaissances en psychologie voire en psychanalyse, a certainement un avantage important sur les autres. Ajoutons à cela l'avantage pour un voyageur de s'intéresser à la sociologie, à la démographie et à l'histoire des lieux et des gens qu'ils côtoient et que le transport qu'il emprunte, parcourt.
Innée ou acquise, cette capacité à construire une stratégie ? Vaste débat, il est certain que tout le monde n'est pas doté à l'origine du sens psychologique mais certains peuvent compenser par l'expérience. Dans cette lutte quotidienne que constitue la "traque" d'une place assise, par exemple, est-ce le plus fort ou le plus intelligent qui gagne ? Disons que ceux qui possèdent en quantité raisonnable la force et l'intelligence sont tout de même plus favorisés que ceux qui sont "petits, moches et noirs" comme disait Coluche.
Parfois, dans certaines circonstances, mouvements d'une masse hystérique en temps de grève lorsque les voyageurs, les yeux rivés sur le panneau d'affichage, repèrent le numéro du quai et se ruent sur la rame salvatrice, la stratégie doit être reléguée aux oubliettes. Dès lors la bête humaine reprend ses droits, l'instant de survie prime tout et comme le disait, aussi, Guilaumet "ce que j'ai fait, aucune bête ne l'aurait fait !".
Mais nous sommes, ici, dans un cas extrême, ce matin dans ce train, la "chasse" était plus paisible, une chasse qui relève plus de la chasse à l'affût que de la chasse à courre. Ne jamais rester devant l'entrée des portes, au besoin en forçant le passage, rangez-vous debout au milieu du wagon entre les deux rangées de places assises. Avec un peu de chance, à défaut de pouvoir bénéficier d'une position non verticale, vous pourrez jouir du sentiment de culpabilité que vous ferez naître chez certains âmes de voyageur plus sensibles que d'autres mais elles, assises. Vous vous accrochez à un siège et là, tel un charognard perché sur sa branche d'arbre, vous observez les mouvements furtifs, les gestes, les postures qui vous permettront de définir lequel des voyageurs se lèvera au prochain arrêt. Bien entendu, vous devez observer également vos compagnons verticaux qui, la plupart du temps, se livrent à cette même "traque" et vous devez donc également vous positionnez pour empêcher ces redoutables compétiteurs de vous souffler la place sous le nez.
Dans cette chasse, je pense bénéficier des qualités d'observation nécessaires mais je suis handicapé par une "bonne éducation" dont malheureusement je n'arrive pas à me défaire.
Cependant, comme à la vraie chasse, il y a de bons et mauvais jours. Les bons jours, en véritable artiste, j'arrive à cumuler tous ces petits "plus" qui rendent la chasse si excitante : je "sens" le voyageur que je surplombe, éprouver ce délicieux sentiment de culpabilité qui vous réconforte, ensuite pour peu qu'il ait une conception de son "espace" favorable à votre petit stratagème, il éprouvera un certain malaise à vous "sentir" à son tour, lui "violer" même fugitivement cet espace, puis, une fois que vous aurez bien "relever" les signes de son prochain départ, subtilement vous lui ferez comprendre que vous êtes un impitoyable trappeur. Enfin, suprême plaisir ! Vous vous offrirez sous couvert de courtoisie cette place libre en vous écartant pour laisser s'échapper facilement la proie tout en bloquant l'autre prédateur qui derrière vous, lorgnait sur l'emplacement !
Bon week-end et à lundi pour d'autres aventures.
Être une fille peut s'avérer un atout majeur dans cette traque quand l'autre prédateur est un gentleman... bon il est vrai, ils n'en existent plus beaucoup !
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