lundi 4 avril 2011

Lundi 4 avril 2011 - Devoir de mémoire

Ce matin RAS ni dans le RER A ni dans le RER B.
Ce soir par contre les affaires ont repris. Auber, arrivée dans le hall, un écran totalement orange. Stress. Il est 19h17.
Aussitôt, lâche et ignoble soulagement, l'orange est mis, certes, mais uniquement dans le sens, Boissy-St-Léger, Marne-La-Vallée et Chessy. En fait, "objet oublié" à la Gare de Lyon, plus de RER A au moins jusqu'à 20h15, plus aucune circulation entre Auber et Nation. Dans l'autre sens, Poissy, Cergy, St-Germain-en-Laye, "no problemo", un Poissy est affiché pour 19h21.
Arrivée sur le quai, multiples annonces faites à trois voix alternativement ou concomitamment, deux féminines  avec un fort accent chantant des îles et une masculine presque celle d'un adolescent. Elles ont cependant une chose en commun, leur hésitation et leur imprécision, sans doute causées par une  gestion en temps réel de l'incident. "D'objet oublié" nous passons à "colis suspect", les terminus non desservis varient de minutes en minutes et les possibilités de contourner la difficulté ressemblent à un inventaire à la Prévert en beaucoup moins poétique.
Dans l'autre sens, le mien, la rame se fait attendre. Les panneaux lumineux sont malheureusement beaucoup moins loquaces que nos speakers jusqu'à même ne plus rien afficher du tout. La mention fatidique "train retardé" apparaît. Des rames vides arrivent à quai sans destinations précisées et font du surplace sous le regard désabusé des naufragés. Là aucune annonce ni de nos informateurs polarisés sur l'autre direction ni de la part des conducteurs peut-être aussi démunis que nous, quoique...
Le seul élément de repère pour le naufragé est alors constitué par le type de matériel roulant, différent selon la branche desservie, St-Germain ou Poissy/Cergy. Des voyageurs montent et descendent pour tenter de déchiffrer les panneaux d'affichage devenus fous comme le HAL dans 2001, l'Odyssée de l'espace. Ils regardent les instables lettres lumineuses comme jadis les Haruspices tentant de lire la destinée dans les entrailles des animaux.
Derrière moi, deux ménagères de moins de cinquante ans se poussent du coude et s'interrogent " c'est bizarre il a plutôt une tête de St-Germain". L'une monte quand même, la destination s'affichant finalement pour Poissy. Méfiant, je reste quant à moi sur la quai comme l'autre dame. Tout à coup, cela change encore et la dame à côté de moi, hèle sa compagne d'infortune "Eh ! Redescendez, il va à St-Germain". Le signal sonore de départ retentit, la passagère aventureuse sort précipitamment  et le dialogue s'instaure entre les deux ménagères "je vous l'avais dit qu'il avait  une tête de St-Germain", "C'est vrai qu'il avait  une tête de St-Germain".
Le train s'en va et oh ! miracle, la rame de Poissy annoncée pour 19h21 arrive enfin à 19h35, non sans que l'affichage se modifie trois fois en 2 minutes. Mais bon ! Celui-là avait bien "une tête de Poissy" !

Place assise et je dois ressembler à mon type de naufragé que j'ai intitulé "l'acharné", j'ouvre un passionnant "mémoire" universitaire sur les rapports souvent conflictuels et toujours compliqués de l'Histoire et de la Mémoire.
Le devoir de mémoire qui fait l'objet de débats passionnés, conduit notre société à commémorer aujourd'hui un peu tout et n'importe quoi. Monuments au morts de 14-18, monument pour les victimes de la catastrophe industrielle AZF à Toulouse, commémoration des morts SDF, bientôt pourquoi pas monuments aux morts de la Route (voyez déjà ces innombrables bouquets de fleurs qui parsèment les bas-côtés de nos routes en mémoire d'un pauvre fils tué au retour d'un bal du samedi soir trop arrosé).
Alors, pourquoi pas, n'aurions-nous pas un jour, pauvres naufragés du RER A, notre monument, notre stèle dédiés aux suicidés, aux traumatisés du RER,aux disparus dans le dédale des tunnels et des souterrains. Une association pourrait être créée, il y en a plein pour les râleurs alors pourquoi pas encore pour ceux qui auront poussé leurs derniers râles sous les roues d'un wagon ou qui seront morts prématurément usés par le stress, la fatigue, l'épuisement et qui n'auront même pas la chance de bénéficier de leur retraite à 70 ans !

Un problème épineux, toutefois, que je vois poindre comme pour ces associations qui entendent en ordre dispersé, honorer "leurs morts" pour AZF, c'est la date de commémoration de "nos morts pour le RER A". 11 novembre 1918, 8 mai 1945, c'est facile mais pour le RER A, chaque jour ou presque pourrait être retenue comme date de commémoration !

(Deezer et un petit coup de Marche Funèbre pour nous réchauffer le cœur).





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