mercredi 9 mars 2011

Diversité.

Il paraît que pour nous, tous les noirs et tous les jaunes se ressemblent. Il paraît que la réciproque est vraie et que pour eux, tous les blancs ont le même visage. Etrange...
J'ai fait en quelque sorte un Pékin-express lors d'un déplacement professionnel de trois jours dans la capitale chinoise. Malgré le décalage horaire et les contraintes liées à la mission, j'ai eu pourtant le loisir d'observer qu'un chinois ou qu'une chinoise se distinguait parfaitement parmi l'immense foule de ses congénères à l'heure où tous déambulent le soir après le travail dans les rues de la ville.
Il en va de même pour le naufragé du RER A, des milliers de visages qui s'entrecroisent et parfois se confondent en une seule entité. Est-ce la lassitude, le mépris ou tout simplement l'indifférence qui nous donnent cette impression ? Il est de coutume de dire que le foule n'a qu'un visage, c'est sans doute parfois vrai, lorsque la haine, la panique ou la colère la guident.
Pour peu cependant, que l'on prenne un peu de temps, que l'on accepte de sortit de sa bulle la durée d'un trajet, que l'on se défasse de nos habitudes d'autistes et d'aveugles à tout ce qui n'est pas notre petite personne et l'on constate la diversité de ces naufragés dont nous sommes parties intégrantes. Diversité des couleurs, des tailles, des traits, des attitudes, des comportements, de telle sorte que la typologie que j'ai dégagée me permet d'affronter, de classer, de cerner et parfois de me protéger de ces milliers d'individualités mais me conduit aussi à perdre en cours de route toute la richesse qui s'en dégage. Comme toute méthode de classement, elle a ses avantages en termes anthropologiques mais elle a l'inconvénient d'être réductrice.

Certaines fois je suis pris d'un vertige en détaillant discrètement mes compagnons de naufrage. Au-delà de la laideur, de la difformité, de la beauté, du charme, de la banalité, du ridicule voire du grotesque mais également du mystère et du sublime, je cherche derrière tous ces masques, les pensées, les destinées, les ambitions ou la vacuité des sentiments qui s'y dissimulent.

Que pensent-ils tous ces gens, dont les trajectoires se mêlent comme les traînées lumineuses d'objets trop rapides sur un cliché photographique dont le temps de pause n'est pas adapté ? Quels sont leurs espoirs ? Qu'est-ce qui se passe derrière ces fronts larges ou obtus, rien, le néant ou bien au contraire des pensées fusant comme les billes d'un flipper ?
Joie, tristesse, rire, chagrin, préoccupations, réflexions sublimes ou idées crapuleuses déforment ces traits sans que l'on puisse les déchiffrer.
Suis-je comme eux, suis-je unique comme eux et pourtant tellement semblable peut-être à leurs yeux ?
Décidément beaucoup de questions pour un naufragé dont la fatigue s'accumule et qui aurait besoin de prendre des vacances ! Il me faudrait paradoxalement une île tranquille pour jouer les Robinson Crusoé, un peu de solitude, pas trop et pas trop longtemps tout de même avant de repiquer parmi les naufragés du RER A. La solitude parmi la multitude vous conduit parfois à une certaine forme de morosité. Peut-être que certains ne la supportent plus et que faute de trouver leur île mystérieuse, ils choisissent une autre voie, attendre le passage de la rame autrement que sur le quai, c'est-à-dire sur les rails !


2 commentaires:

  1. La Pérouse a écrit :
    "La solitude parmi la multitude vous conduit parfois à une certaine forme de morosité."

    c'est très beau...

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  2. Cher membre,
    merci pour ce commentaire.
    J'espère que vos solitudes imagées, estoniennes ou finlandaises, n'engendrent pas pour vous de morosité mais seulement de la sérénité !

    A+

    La Pérouse

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